Le Mexique den bas se soulève à Oaxaca
Le Mexique den bas se soulève à Oaxaca
Au Mexique, depuis le début du mois de juin, lEtat
dOaxaca se trouve en situation quasi
révolutionnaire. Cette province est lune des plus
pauvres du pays, beaucoup dindigènes y vivent. Tout a
commencé, le 15 mai, par une grève des enseignant-e-s,
membres de la section locale du syndicat des travailleurs-euses de
léducation (SNTE), ils-elles ont certaines demandes
depuis 26 ans. Les enseignant-e-s revendiquaient une augmentation des
salaires, des aides matérielles, comme des petits
déjeuners et un transport gratuit pour les enfants, ainsi que le
retrait de la réforme de léducation, qui
prévoit, outre une privatisation avancée, une
négation de lapprentissage de lhistoire
pré-colombienne du pays. Les autres années une sorte de
compromis modeste était trouvé et le mouvement
sarrêtait. Mais cette année, après trois
semaines de négociations, aucune solution satisfaisante
na été proposée par le gouvernement,
cest pourquoi début juin les enseignant-e-s ont
occupé le centre historique de la capitale de
létat. Parallèlement à cette occupation,
ils-elles ont bloqué des bureaux du gouvernement, des rues de la
ville, des routes importantes, des péages, laccès
à laéroport et des hôtels de luxe. Ces
actions ont provoqué une baisse de fréquentation de cette
région très touristique. Le gouverneur de lEtat,
Ulises Ruiz Ortiz, a tenté dutiliser cela pour faire
croire à la population à lirresponsabilité
et à linconscience du corps enseignant. Pourtant, les
habitant-e-s ont rapidement pris fait et cause pour le mouvement des
instituteurs-trices et se sont joints à leurs actions.
Répression policière et popularisation du mouvement
Depuis le 14 juin, le mouvement a pris une nouvelle tournure, la police
a tenté de les déloger de leur campement du centre-ville,
tuant 8 personnes et en blessant une quinzaine dautres. Loin de
laffaiblir, ces événements dramatiques ont
entraîné une meilleure organisation du mouvement, une
augmentation de la résistance et le soutien de toute la
population, en témoigne la création dune
Assemblée permanente des peuples dOaxaca (lAPPO).
Cette assemblée regroupe plus de 350 organisations
(communautés dindigènes, syndicats et associations
civiles). Aux revendications de base se sont rajoutées la
destitution du gouverneur en place, et la tenue de nouvelles
élections. Ces demandes ont trouvé rapidement un
écho dans une très large partie de la
société oaxaqueña qui sy est
ralliée. Offensés tant par la fraude électorale
par laquelle Ulises Ruiz était devenu gouverneur que par la
violence gouvernementale contre une multitutde dorganisations
communautaires et régionales, des centaines de milliers de
oaxaqueños ont pris la rue et plus de 30 mairies de
lEtat. Pour finir lannée scolaire 2005-2006, une
majorité de professeur-e-s ont repris les cours dans leurs
communautés et sont revenus ensuite occuper la ville. Durant
tout le mois de juillet, la répression policière
sest aggravée, des syndicalistes, des militant-e-s pour
les droits humains emprisonnés et torturés et plusieurs
personnes tuées.
Magouilles au sommet et groupes paramilitaires
Des groupe dinconnus armés ont tiré à
plusieurs reprises, à feu de grande puissance, sur des positions
occupées par des citoyen-ne-e et enseignant-e-s. Le gouverneur a
changé plusieurs membres de son cabinet pour essayer de
désamorcer à la crise, mais en prenant des membres de son
parti, il a plutôt entraîné leffet inverse,
le gouvernement mexicain du président Fox la soutenu dans
sa politique de répression. Reporters Sans Frontières
dénonce de nombreuses agressions policières à
légard de journalistes et photographes et au niveau
national, la censure filtre complètement les informations,
sûrement pour ne pas renforcer le mouvement
dénonçant les fraudes électorales du 2 juillet,
lors de lélection présidentielle. Début
septembre, en signe de détente, le SNTE a décidé
de rendre quelques rues à la circulation durant la
journée et de faciliter laccès à
laéroport, mais en reprenant les blocages la nuit pour
éviter toute agression policière, et a reporté
sine die la rentrée scolaire 2006-2007.
Fraude électorale massive au Mexique
Les élections présidentielles du 2 juillet 2006 ont
été le théâtre dune grande mascarade
électorale. Ce nest pas la première fois que ce
pays de plus de 100 millions dhabitant-e-s connaît des
élections irrégulières. Durant 71 ans, le Parti
Révolutionnaire Institutionnel (PRI) a gouverné le pays
sans partage. Lors des élections de 1988, le leader du Parti
Révolutionnaire Démocratique (parti de gauche) avait
déjà «perdu» les élections, suite
à des fraudes gigantesques manigancées par le PRI. Ce
nest quen 2000, quun autre parti politique (le
Parti dAction Nationale) sest emparé de la
présidence mexicaine, en instituant Vicente Fox,
président. Ce dernier a «sévi» jusquau
mois de juillet de cette année. Dans son bilan de 6 ans de
présidence, Fox revendique la poursuite de la
libéralisation des secteurs économiques
nationalisés. Il est lié de longue date à la
politique étasunienne, soit en étant président de
Coca-Cola pour le Mexique et lAmérique Latine, soit en
devenant conseiller de la chambre de commerce des Etat-Unis au Mexique.
Fox assure quil laisse un pays modernisé et sur la voie
du développement pour toutes et tous, et en paix, mais il
nen est rien. Son règne a été marqué
par de multiples révoltes populaires et un exode ininterrompu de
Mexicaines et de Mexicains pour les Etats-Unis. De ces personnes, qui
quittent le pays pour essayer de gagner leur vie aux USA, il en parlait
durant sa campagne électorale comme «de braves
travailleurs qui font aux Etats-Unis les travaux que même les
Noirs ne veulent plus faire».
Le 6 juillet, le candidat du PAN, même parti que Fox, a
été proclamé vainqueur de lélection
présidentielle, face au candidat Obrador du PRD. Ce dernier a
fait appel et demandé un nouveau décompte des voix. Ce
«résultat» électoral, fabriqué de
toutes pièces par le PAN et la présidence, est suivi par
l«indépendant» institut fédéral
électoral, chargé de refaire le compte des voix. Le
peuple mexicain soutient son président Obrador, en occupant
plusieurs villes, notamment le centre de Mexico. Le processus
dinsubordination prend de lampleur au plus profond de la
société: dans les villages indiens, parmi les jeunes
maltraité-e-s par le pouvoir, parmi les travailleurs-euses de
maquilas (usines installées dans des zones francheset
travaillant pour le marché américain), parmi les femmes
et les organisations politiques de gauche et parmi toutes celles et
ceux qui ont formé l«Autre campagne» des
zapatistes, parmi les «révolutionnaires» de Oaxaca.
Dans tout le Mexique, des collectifs sont convaincus quil existe
une alternative au néolibéralisme, à
linstar dautres peuples dAmérique Latine.
Malheureusement, aucune voix ne se fait entendre de la région
pour soutenir le peuple mexicain.
A fin août, le nom du nouveau président
nétait toujours pas connu. Quel quil soit, il
devra faire des alliances au parlement pour faire approuver ces
projets. Une victoire de la gauche pourrait remettre en question les
politiques économiques et sociales de plus de deux
décennies de néolibéralisme. (met)